Jean-Serge Seiler
artiste peintre

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Originaire du Berry, Jean-Serge SEILER est venu assez tardivement à la peinture. En recherche d’une « nouvelle identité », la démarche qui l’a orienté vers la création artistique s’est révélée pour lui comme une nécessité. Entre 1990 et 2001, il a été formé aux techniques de l’huile par Sauveur Cardonna à l'Atelier de Clères, puis par Pierre Godet à l'Académie d'Arts Plastiques de Bois-Guillaume, où il a également étudié le pastel avec Daniel Caplain. Depuis 2001, il participe régulièrement au Salon de Rouen, et s’est fait remarquer dans de nombreuses expositions régionales.

Tout au long de sa carrière, Jean-Serge SEILER a apporté la démonstration parfaite qu’un artiste peut aller à l’essentiel, dans une représentation d’un monde synthétique qui nous emporte dans une vision cosmique inédite. Si l’on peut qualifier Jean-Serge SEILER de « peintre de paysage », son œuvre très singulière renouvelle le thème dans de multiples variations, aptes à entraîner notre regard vers des horizons lointains et profonds. Cette nouvelle approche du monde interroge et ne peut laisser indifférent. Elle s’inscrit directement dans l’histoire de l’art du paysage tel qu’il a été développé en occident, et apparaît comme un sublime aboutissement d’une thématique qui a subjugué de nombreux artistes depuis Patinir, célèbre peintre flamand du XVIème siècle, réputé avoir inventé le « genre du paysage » en le peignant désormais pour lui-même. On y trouve aussi l’écho romantique de John Constable fasciné par la nature, ou de l’allemand Caspar David Friedrich qui confronte l’homme à un univers qui le dépasse. Mais avec Jean-Serge SEILER, nulle présence humaine… le paysage, celui des origines ou de la genèse, reste vide parce qu’il nous invite à y pénétrer par nous-mêmes. Nous assistons alors à une intériorisation de la nature appelée à être en communion avec l’âme du spectateur.

Jean-Serge SEILER fait apparaître ses paysages imaginaires sur la toile au fil de ses créations, comme s’il les extirpait de son monde intérieur dans une lente gestation. Chaque œuvre devient l’aboutissement d’un rêve au sortir d’une torpeur silencieuse qui habite son créateur. Les compositions, bien qu’en petits et moyens formats, nous laissent une impression étrange d’immensité. Le ciel, la terre et l’eau y sont exprimés avec force et beauté, dans une manière déroutante qui - bien que toujours figurative - atteint un niveau très épuré en lien avec la volonté délibérée de dessin simplifié, destiné à sublimer le réel et lui donner valeur de symbole. L’onirisme du langage pictural, constante de l’œuvre de Jean-Serge SEILER, est rendu par une touche fluide et la subtilité d’une palette de camaïeux de rouges, d’ocres, de bleus ou de gris, utilisée au gré du thème de chacune des séries, mais aussi par une capacité à rendre la perspective atmosphérique par un estompage progressif des formes qui se noient dans la brume.

L’utilisation du blanc, non-couleur bannie depuis la fin du XIXème siècle, redevient fondamentale pour créer les effets de lumière, laisser «respirer» le tableau, et donner un peu de liberté à notre imagination. Des œuvres qui nous procurent la sensation de pénétrer dans un monde apaisé, à la fois infini et intemporel.

Explorateur insatiable, Jean-Serge SEILER nous invite à le suivre dans une quête exigeante sur le plan purement plastique, mais aussi dans une recherche au-delà de l’espace et du temps qu’il traduit dans ses toiles par la lumière qui devient pour lui synonyme d’éternité. Son œuvre est une réelle invitation à la méditation sur la condition humaine et sa finitude, et les titres éloquents de ses tableaux ou de ses séries reflètent tout autant sa dimension poétique que la réflexion métaphysique qui nous est suggérée.

Francine BUNEL-MALRAS, Historienne de l'Art


Artiste rare par la poétique profondément silencieuse et contemplative qu’il transcende dans la qualité suprême de ses œuvres, Jean-Serge Seiler incarne par son geste pictural, la quintessence de l’harmonie et la beauté méditative. Usant d’une palette aux couleurs extatiques et fougueuses, les dernières compositions de l’artiste déploient un univers onirique et métaphorique aux confins des origines et de notre présence au monde, dans lequel l’espace et la saisissante présence du blanc libèrent des paysages laissant place aux questions existentielles, à l’imaginaire et la mystique de l’éternel.

Véritable voyage initiatique au cœur de l’existence humaine et de l’univers immatériel et originel qui l’habite, les sept thèmes travaillés comme des métaphores par l’artiste s’éclairent l’un après l’autre, tels des livres ouverts au cœur desquels s’écrivent les résonances de l’intime de nos vies et des phases qui les constituent. De « Genèse », magma donnant à voir une vitalité certaine, on découvre avec « Fusion » une explosion fougueuse de couleurs ardentes qui appelle le regard par l’intensité et l’accord subtil des nuances. Peu à peu, dans « Nulle part et l’infini » et « Le fini et l’immense », prend naissance la matière dans une palette plus solaire où les tonalités de jaune dessinent un paysage terrestre à la présence physique presque palpable.

L’infinitude matière et son fondu libère alors progressivement une entité révélée qui prend tout son sens. Puis, s’impose comme une évidence après l’agitation « Galaxies » dont le violet domine un blanc céleste qui libère l’esprit et la pureté émotionnelle nous transportant délicatement vers « Aurores Bleues » aux camaïeux profonds presque mystiques accueillant l’aube du jour nouveau. « Entre deux rives, entre deux rêves » achève par la virtuosité de son message symbolique ce fantastique voyage pictural comme une ode aux mystères du monde et sa divine beauté.

Si je devais définir en quelques mots Jean-Serge Seiler, je citerais une pensée de Christian Bobin : « Un ange retourne le ciel à coups de pelle, faisant apparaître un bleu qui attire tous les oiseaux de l’âme ». C’est dans cet esprit que le figuratif de Jean-Serge Seiler nous fait entendre le profond silence de ses œuvres.

Sandrine TURQUIER, écrivain - critique d'art


Jean-Serge SEILER, peintre rouennais, nous revient avec de nouvelles toiles et une exposition très construite qu'il a voulue ainsi. Je le cite :

« Esquisse d'une promenade dans l'univers ; il y a bien eu un commencement une GENÈSE peut-être une FUSION une séparation dans l'espace NULLE PART ET L'INFINI entre le FINI ET L'IMMENSE, le touchable, la terre, le révélé et l'incertain. Après ces fulgurances nous éprouvons le besoin de revenir à un peu de calme et de douceur, à la sérénité méditative des GALAXIES qui nous conduisent aux AURORES BLEUES de chaque nouveau matin et cet entre-deux : ENTRE DEUX RIVES ENTRE DEUX RÊVES celui d'hier et celui de demain. »

C'est donc un voyage dans l'univers qui nous est proposé. Je ne sais pas s'il est scientifiquement exact et cohérent mais artistiquement, intellectuellement et spirituellement, cela ne fait aucun doute.

Dans Genèse, c'est un univers en formation, un magma encore informe aux couleurs chaudes, pleines d'énergie ; peut-être une métaphore du processus créatif de l'artiste. Et puis c'est la Fusion, les tons se font plus ardents, plus denses, la passion créatrice est en pleine effervescence. Alors apparaît la matière solide, le concret, le palpable, le Fini, perdus au milieu de l'Immensité aquatique et vaporeuse, perdus au milieu de Nulle Part et l'Infini où s'entrelacent nues, terres et eaux. Atmosphères légères, chaleureuses, parfois confuses, magnifiées par une palette de couleurs complexes, complémentaires et symboliques ; bleus et jaunes se fondent les uns aux autres ; quête de sagesse, de loyauté, de vérité, besoin de lumière, de clarté, besoin de comprendre. Nous sommes alors amenés vers les Galaxies qui se parent de toutes les vertus. L'esprit apaisé, les émotions calmées, rêve et douceur nous imprègnent, teintés de mélancolie et de solitude. Aux teintes violettes succèdent les camaïeux de bleu, « Le bleu et l'aurore [qui] éclaircissent le monde » comme le dit un proverbe. Ces toiles irradient de plénitude, de « zénitude ». Chez Jean-Serge SEILER il n'y a pas d'effets de matière, la sensation de profondeur est donnée par une impressionnante succession de plans noyés dans la brume du « sfumato », technique très chère à Léonard de Vinci. A l'instar des artistes de la Renaissance, Seiler superpose plusieurs couches de peinture extrêmement délicates, les contours sont estompés, les ombres fondues comme une fumée, les formes sont modelées en les caressant. « L'aurore ressemble à un visage d'une tendresse infinie » dit l'écrivain Nicolas HOUDE.

Voilà, le voyage s'achève « Entre deux rives, entre deux rêves ». Laissez-vous happer par ces contrées mystérieuses, pourpres et blanches, œuvres quasiment hypnotiques par leur force et leur simplicité et qui marquent le point d'orgue de la découverte de l'univers de Jean-Serge SEILER.

Nicole DUVAL, le 6 juin 2014
Galerie Art-Culture-France - CAEN



Si on a appelé SEILER, le « peintre du silence », c'est peut-être que, bien plus que nous donner à voir, il nous donne à entendre.

Entendre, encore et toujours, de toiles en toiles, le silence qui fait écho au silence, cet ineffable silence, celui qui nous habite quand le temps semble sortir du temps, pour se figer, là où l'émotion s'achève et qu'il prend cette incomparable saveur, celle de l'éternité. Pour bien le comprendre, il faut écouter ce qu'en disent ceux qui l'aiment, avec leurs mots de poètes qui s'avancent à pas lents et feutrés, parce qu'il n'y a pas d'autres moyens de s'approcher des tableaux de SEILER. Et quand les critiques nous parlent de ces tonalités qui se fondent et s'imbriquent les unes dans les autres avec délicatesse, de ces fonds pleins de trouées en « voiles impalpables », de ces toiles à la subtilité flottante, de ce « silence » retentissant qui invite à la méditation, de cette atmosphère insaisissable mais qui nous plonge immédiatement dans l'apaisement alors on comprend qu'on puisse entrer dans les tableaux de SEILER comme on entre à l'intérieur d'une église.

S'il s'appuie parfois sur la flamboyance des flèches du végétal, sur la dureté intemporelle du minéral, SEILER ne peint pas le monde tel qu'il est, pas plus qu'il ne peint un monde différent du monde, il peint cet entre-deux, un monde suffisamment dévêtu pour qu'il confine à l'infini. Il nous donne à voir ce que nous pouvons entrapercevoir, de façon fugace, lorsque notre conscience quitte la matérialité du monde physique, cette illusion du réel, lorsqu'elle en a fini avec les émotions recyclées, avec l'enveloppe de l'égo, avec la vacuité de la nature humaine et qu'elle est prête à se fondre dans « l'âme du monde » comme le dit Luis Porquet. Alors s'offre à nous, cet instant de grâce, ce voyage au-delà de tous les voyages, ce morceau d'âme flottant, en douce mouvance, que l'on saisit, que l'on devient, et par lequel, dans lequel, nous survolons le monde, nous fondant dans le tout, sans que rien alors ne puisse nous arrêter, pas même la roche de la falaise, pas même les nuages de larmes tout en fluidité, invisibles, en paix et pourtant là.

Au bout du compte, SEILER ne nous dit rien. C'est pour cela que ses tableaux ne font aucun bruit. Juste il nous enseigne l'univers.
Sophie L.


EXPOSITION GALERIE ART-CULTURE-FRANCE - CAEN
[...] « Je vous propose de partir sur les ailes de la curiosité et du rêve à la découverte du monde de Jean-Serge SEILER. Survolons ensemble ces contrées imaginaires dans lesquelles les éléments air-terre-eau fusionnent en silence, avec lenteur, douceur et sérénité déclenchant en nous calme et paix intérieure. Les couleurs aux nuances subtiles, déclinées en camaïeu, parent d'un voile impalpable et diaphane des paysages épurés aux confins de l'abstraction. Des plans successifs apparaissent par la grâce de transparences discrètes. La dureté des minéraux, l'assombrissement des ciels orageux nous rappellent qu'à tout moment la temporalité de la nature reprend ses droits mais bien vite le regard se porte sur ces grandes taches blanches, véritables trouées de lumière qui laissent libre cours à l'imagination, la méditation, traversées du miroir vers l'invisible, l'au-delà. C'est beau, c'est intemporel, c'est universel.

Merci M. SEILER pour votre quête intérieure et artistique que je souhaite à tout un chacun de savourer et partager avec bonheur. »

Nicole DUVAL, février 2012
Vernissage de l'exposition à la Galerie Art-Culture-France



Message sur le Livre d'Or - Exposition Galerie Art-Culture-France
"COLLOÏDES, NANOSTRUCTURES, MATIÈRE MOLLE, SUPRACONDUCTIVITÉ DE L'ESPRIT", vous êtes à la peinture ce que Pierre-Gilles de Gennes est à la physique. A moins que vous ne soyez un PARNASSIEN attardé.

J-F. LE FORESTIER
QUI POTEST CAPERE CAPIAT


THEATRE DU MOULIN D'ANDE - SEILER AU COUR DE LA LUMIERE
Après la très tonique exposition de Francis CAUDRON, c'est à Jean-Serge SEILER que le Théâtre du Moulin d'Andé consacre actuellement ses cimaises. Présentées avec le concours de l'Espace de la Calende, les peintures de Seiler célèbrent la rencontre de l'eau, de la terre et de la lumière. Une vision métaphorique et déroutante du paysage.

La peinture de Jean-Serge Seiler s'apparente davantage au langage onirique qu'à une traduction descriptive des paysages qu'il nous propose. Nourrie des questions qu'il se pose sur le sens de la vie, sa démarche prendrait même une tournure allégorique, voire métaphysique. Que cherche le peintre, sinon à nous faire part d'une certaine attitude intérieure. La singulière douceur de sa palette, qui privilégie les tons pâles et les dégradés, indique en elle-même une certaine disposition d'esprit. Seiler est l'homme de la nuance et des longues méditations. Fin lettré, il traduit métaphoriquement, sa manière d'être au monde. On est frappé par la teneur évanescente de sa peinture et la sensation d'apaisement qu'elle fait naître chez la plupart des spectateurs. On est ici aux antipodes des ruades expressionnistes qui souvent se traduisent par une frénésie chromatique. Mettant à profit les conseils de Daniel CAPLAIN, Seiler a suivi sa route sans pour autant renier le maître. La parenté n'invalide pas une certaine singularité. Venu très tard à la peinture, il semble bien résolu à rattraper le temps perdu, passant de nombreuses heures devant son chevalet, s'appliquant à explorer de nouvelles harmonies tonales.

L'atmosphère émanant des toiles que Jean-Serge Seiler a réunies pour le Moulin d'Andé repose sur des éclairages à dominante bleue, jaune ou ocre. Eau, terre et ciel s'y mêlent, comme émergeant des brumes de l'aube. Souvent la ligne d'horizon se dilue au point de disparaître. Des paysages fluides, improbables, surgissent de ces vastes espaces terraqués, ouverts aux quatre vents. On a quelque fois l'impression de survoler ces langues de terre et de sable, ces estuaires et ces fleuves où l'on devine comme un appel obsessionnel de la lumière. Aucune silhouette humaine ne vient troubler la paix de ces parages dénués de toute agitation. « Où est mon âme ? Où vais-je trouver cette voyageuse, cette solitaire ? » écrivait Xavier Grall dans Barde imaginé. Déployées dans deux salles distinctes (en fonction de leur dominante chromatique), les toiles de Jean-Serge Seiler semblent surgies d'un rêve.

Luis PORQUET, écrivain - critique d'art


Peinture lente et silence
Jean Serge Seiler est un peintre lent à se mettre au travail. Non pas qu'il soit paresseux, loin s'en faut. Simplement, sa pensée a besoin de temps pour préparer la toile avant d'affronter la large page blanche à peine moins terrible que la petite page blanche de l'écrivain. Avant de s'attaquer aux tubes et aux pinceaux, il écrit sa toile dans un carnet comme il écrirait un poème, détaillant la palette dont il fera des « mélanges maigres » qui donneront de la transparence à sa peinture. Bleu de Prusse, Jaune de Cadmium clair, Terre d'ombre brûlée, Gris mauvés. des mots qui vont au-delà des mots. Des couleurs en devenir, mystérieuses, inattendues qui surprendront le peintre quand il aura enfin mêlé et mêlé encore les couleurs brutes les unes aux autres.

Jean Serge Seiler créé dans la patience. Il lui faut du temps pour construire sa peinture. Quand il commence à peindre, il ne sait jamais à quoi ressemblera le tableau achevé. Un tableau vit sa vie dès les premiers coups de pinceau, se structure à sa manière. Il se laisse découvrir sans se presser et sans presser celui qui peint. Surtout ne pas forcer. Le laisser venir tout en douceur dans un absolu silence. Car la peinture lente est silencieuse et le peintre « lent », silencieux lui aussi, ne peut travailler que dans le silence. Sinon, comment entendrait-il ce que cherchent à lui dire les fleuves et les rivières qui coulent sur presque toutes ses toiles ? « Le fleuve va vers la mer dans le silence, souligne-t-il, c'est ce qu'il porte qui est bruyant. Certains fleuves, comme le Blavet, enseignent la paix.»

« Les rivières silencieuses » pourraient servir de titre à la plupart de ses toiles. Autour de ces rivières, il cultive le flou, l'incertain, les ombres. Ses horizons sont lointains, fondus dans la brume. Le peintre refuse de les rapprocher. Plus nets, ils seraient plus tranchants. Tranchants, ils pourraient blesser. Celui qui regarde et celui qui peint car un tableau peut blesser tout comme il peut montrer des blessures. Celles qui sautent aux yeux et celles que l'on cache au plus profond de soi.

Jean Serge Seiler est un homme en quête de profondeur, de spontanéité et d'harmonie. C'est un homme stylé. Peindre les choses telles qu'elles sont serait pour lui sans intérêt. Ses paysages existent essentiellement dans son cour. Il les rêve. Ils appartiennent à son monde intérieur. Peindre sur le motif, ce n'est pas son affaire.

Ainsi accorde-t-il sa pensée à celle de Roger Guerrant : « Peindre non pas les choses, mais ce sentiment que l'on a des choses ». Un souvenir d'enfance peut-être, une odeur, une saveur, une couleur.Jean Serge Seiler est un homme très émotif qui a constamment besoin d'être rassuré. Il doute en permanence et parle ainsi de sa peinture : « Beaucoup de bruit et c'est quoi ? Rien ! » Pourtant, il peint, même lentement. Il a consacré deux années aux lacs et aux rivières de ses voyages en Italie. Près de cette eau qui, elle aussi, voyage, il a planté des ifs et des cyprès, sentinelles de Toscane à peine figées dans ses Terres de Sienne brûlées et quelques verts étouffés. Après quoi, changement de couleurs pour aborder la Saintonge, ses rivières, ses arbres, ses bosquets et ses trouées de lumière qui voilent et dévoilent tant le visible que l'invisible. Cette fois, la palette est verdie et elle peut aller jusqu'au brun.

Il est rare que Seiler peigne une toile isolée. Pour chaque thème, il créé un univers qu'il explore. Son ouvre est faite d'îlots plus ou moins écartés les uns des autres. L'univers qui suit la Saintonge prend des teintes automnales avec divers ocres. L'arbre phare, le veilleur est ici très présent. Le fleuve encore, décliné par une palette verte, bleue et jaune. Toujours les reflets et le voile qui préserve l'intimité du dialogue entre l'arbre et l'eau.

Enfin, son dernier coup d'épée, terme d'une petite année de travail : les bleus. La série s'appellera peut-être « Galaxie ». Que représente-t-elle ? Mer ou terre ? Rochers ou bosquets ? Libre à celui qui regarde d'en décider. Rien ne presse. La peinture, lente à construire, est aussi lente à regarder. Le peintre, « une solitude s'adressant à une autre solitude » définirait son travail comme « moderne, mais pas forcément contemporain ». C'est étrange, mais dans notre société « moderne », même vivants, nous ne sommes pas toujours « contemporains » de notre époque. Jean Serge Seiler accorde beaucoup d'importance à son livre d'or, témoin du temps qui passe autant que de l'ouvre qui se construit. Quelques mots reviennent dans ce livre comme le refrain d'une chanson : pureté, contemplation, plénitude, douceur, sérénité, harmonie, délicatesse, méditation, raffinement, élégance. quelques groupes de mots encore frappent le regard : « La pureté du premier temps. peinture qui rassure. Lumière blanche proche du « tout » ».

Jean Serge Seiler vous dirait qu'il faut plus d'une vie pour apprendre. Il fait sien le précepte de la chanteuse Barbara Hendrix : « Je suis dans la musique comme dans la vie, toujours une apprentie. » Et si vous lui posez la question : « Où vas-tu ? » Il vous répondra : « Je vais vers le silence. »

Elisabeth Le Borgne


Une sensibilité en mouvement
Fort du recul que nous avons sur le travail que mène Jean Serge Seiler, nous pouvons aujourd'hui évaluer le chemin qu'il a parcouru depuis notre première rencontre. Ses toiles sont désormais plus fondues, plus fluides. Etablie sur un mode sériel, sa peinture s'est organisée autour d'une dominante dont il explore, l'une après l'autre, les harmoniques : au bleu ont succédé le jaune de Naples puis le gris perle. Des diptyques, çà et là, prennent place dans le paysage. Il y a toujours cet appel du lointain, cette vibration particulière de l'horizon, ces brèches, ces trouées, ces béances qui libèrent l'esprit, cette infime mélodie du vide.

Le regard glisse sur les couleurs, l'effacement progressif des terres émergeant des vastes plans d'eau. La brume, omniprésente en Normandie, étale voluptueusement son voile sur toutes choses comme pour nous convier à dépasser l'opacité, à gagner la lumière dont on pressent le surgissement, le triomphe imminent. Elle adoucit l'image de la réalité. « Le regard que nous portons sur le monde n'est qu'une fantastique approximation » dit en substance le physicien Basarab Nicolescu (in La Science devant l'inconnu). Et nous comprenons du même coup que l'intention de Seiler a peu de chose à voir avec l'idée de représentation. Il ne produit en fait que des métaphores, comparables à ces paraboles dont certaines cultures font usage à des fins didactiques. Tout devient nuancé, impalpable, mais intimement présent.

Chez Seiler, tout paraît filtré, retenu, comme pour mieux suggérer l'appel lancinant d'un ailleurs, d'un au-delà encore diffus mais prometteur.

Luis PORQUET, le 21 février 2007.


Plusieurs articles sont à relever dans la presse régionales en 2002.
Et en tout premier lieu, l'article de M. André Ruellan pour le site Normandie-France.com daté du 13 août que nous reprenons ici.


" Quitte à me répéter, mais, au cours de 30 années de critique d'art et de constats incessants, je ne cesse d'être émerveillé par une découverte, un artiste inédit, une façon originale de traiter une oeuvre avec autant de respect que de compétence. Tel est le cas du peintre-pastelliste Jean Serge SEILER, ce Normand depuis plus d'un demi siècle et qui s'est révélé à mes yeux comme un artiste discret et talentueux. Il y a quatre ans, je l'avais repéré dans un salon régional en milieu rural et en étais resté quelque peu stupéfait devant la qualité de son coup de pinceau, son sens analytique du mouvement et l'élégance poétique d'une palette aux couleurs soigneusement choisies. Et bien, Jean Serge SEILER tient admirablement ses promesses et ses créations récentes captivent toujours avec le même charme et la même harmonie. D'évidence, cet artiste n'a pas succombé au désir bouillant de peindre n'importe quoi, n'importe comment pour satisfaire une légitime volonté créatrice, mais s'est astreint aux gammes difficiles du dessin, de la composition avant d'explorer sa conscience artistique avec un tel brio et une vraie réussite. "

Le 25.10.2002 ( in Paris Normandie )
" Paysages lointains, horizons, grands oiseaux sont dessinés avec élégance et un sens analytique du mouvement et joliment mis en valeur. Les traits sont justes et soignés et ensemble, ils créent une unité ".

Le 29.10.2002 ( in Bulletin de l'arrondissement de Rouen )
" Pour cet artiste inspiré l'oiseau s'attache à la fois au mythe et au mouvement - autrement dit à l'éternité et à l'instant, de ses oeuvres se dégage une grande sérénité bien loin, du détaînement des passions".

Le 13.11.2002 ( in Affiches de Normandie )
Actualité des arts.

" Utilisant tantôt l'huile, tantôt le pastel, il nous entraîne sans difficulté ' vers la route des océans ' nous faisant accomplir un voyage à travers le Temps ou ressentir ' l'aube des premiers jours ' . Peintre d'atmosphère, attaché aux effets de lumière, aux voiles diaphanes dont la nature se pare à certaines heures du jour, il dispose d'atouts techniques qui rendent ses travaux attachants ".
( cette critique fait suite à une visite de M. Luis PORQUET, écrivain et critique d'art).

Le 18.05.03 (Paris Normandie)
"... Jean-Serge Seiler vient d'un autre univers, celui du rêve paysage, un monde où la nature surgit de la brume, en masses élégantes, un travail d'une grande finesse de ton..."
(extrait d'une critique de Rémi Parment pour l'expo de Vincent Du Four , Christian Du Four et Jean-Serge Seiler)

Le 25.05.06 (in Le Réveil)
"... Jean-Serge Seiler est animé par la quête du vrai et du beau à travers sa peinture. L'harmonie vient de la juste distance entre les traits. Il naît entre les éléments une solidarité par laquelle les arbres du premier plan soutiennent et protègent ceux de l'horizon qui s'efface dans la brume. Des éléments incontournables composent ses tableaux : terre, eau et ciel drapé de nuages, du gris laiteux au gris de plomb. Des camaïeux d'ocre terrestre, des harmonies de verts étouffés nous apportent une sérénité reposante. Dans son cheminement, Jean-Serge Seiler cherche à épurer ses paysages en enlevant le superflu pour ne garder que le nécessaire sans aller cependant jusqu'à l'abstraction complète, en le citant "prendre de la distance avec le réel dans une tentative de synthèse sans tomber dans l'abstrait".


Entre lumière et silence
Originaire du Berry, où il passa toute son enfance, Jean Serge SEILER vint, comme on dit, se fixer en Normandie dans les années cinquante. Ce sont les circonstances, jamais tout à fait fortuites, qui, de 1980 à 1995, l'amenèrent progressivement à la peinture à laquelle il consacre aujourd'hui le plus clair de son temps.

Devant organiser des conférences dans le cadre de ses activités professionnelles, beaucoup plus proches de l'industrie que du monde artistique, Jean Serge Seiler jugea un jour utile de donner une dimension symbolique et esthétique aux différents supports pédagogiques nécessaires aux sessions qu'il avait en charge d'animer. Cette expérience fut le détonateur d'une activité créatrice imprévue, qui débuta par des collages ayant recours à des matériaux translucides, du carton et de la toile. Vint ensuite l'étape des gabarits, réalisés puis découpés à partir de formes animales, végétales, ou architecturales, dont il lui arrive encore de se servir dans certaines de ses oeuvres picturales. Ayant participé au cours de peinture de Sauveur Cardonna à "l'Atelier" de Clères (1990-1998), il s'inscrivit ensuite à l'Académie d'arts plastiques de Bois-Guillaume où Pierre Godet l'aida à parfaire la technique de l'huile tandis que Daniel Caplain l'initia, avec profit, à l'art difficile du pastel (1999-2001). Mais il volait déjà de ses propres ailes.

Ce qui frappe dans le travail de Jean Serge Seiler tient au climat particulier de ses oeuvres et aux couleurs, en apparence restreintes, qu'il utilise. Sa peinture est paradoxale car elle ne cesse de confronter des formes nettes, aisément identifiables, à une atmosphère nébuleuse et floue. Relevant du genre paysagiste, mais dans un concept épuré de toute connotation anecdotique (on ne voit jamais de personnage ni de "petits baigneurs" dans ses tableaux) son art allie sans cesse la terre, le ciel et l'eau. Chez lui, les contrastes entre ombre et lumière sont relativement marqués. Quant au blanc, que Michel Serres identifie comme "l'indéterminé", il offre, selon les propres mots du peintre, un espace de liberté à l'imaginaire , ouvrant notamment le regard aux réalités intérieures. Sans vouloir jouer sur les mots, le vide peut être aussi une plénitude, notion que les artistes orientaux maîtrisent avec une rare sagacité.

Si l'oeuvre de Seiler, tous sujets confondus, semble résolument s'éloigner des questions qui agitent le monde - on pourrait le surnommer le peintre du silence - c'est qu'il cherche modestement à nous offrir une aire de méditation, mais cet espace apparemment paisible est fréquemment couvert de nuages passagers ou de vagues menaces d'orage. C'est la nature dans toute sa force et sa beauté, une nature qui, quoi qu'on en dise, a toujours le dernier mot, histoire de nous rappeler que nous n'en sommes qu'un élément infime.

Il n'est pas étonnant que les paysages de la Baie de Somme ou la rudesse de nos falaises cauchoises fascinent cet homme de réflexion et d'interrogation. "Je fais de la peinture pour exister encore un peu, selon la très belle formule "L'être là et rien". L'élément air se trouve d'ailleurs omniprésent chez J.-S. Seiler qui revendique aussi une "certaine fragilité émotionnelle", indispensable selon nous à toute démarche authentique. "La confrontation avec le regard de nos semblables, c'est cela même qui nous construit, avoue Seiler. Le travail en lui-même est toujours une épreuve, une remise en jeu. Le plaisir ne nous est donné qu'à travers le résultat final et la reconnaissance enthousiaste de l'autre."

Entre ténèbres et clarté, Seiler, en honnête homme, chemine vers ce que l'on pourrait appeler "l'âme du monde", notion qui n'est jamais que le reflet du microcosme que nous portons en nous. C'est ce qui donne à sa peinture sa part la plus touchante et universelle.

Luis Porquet, critique d'Art